Il semble que les pauvres pécheurs ne veulent pas attendre la sentence qui les condamnera à la société des démons; ils s'y condamnent eux-mêmes.
Le paradis, l'enfer, le purgatoire ont une espèce d'avant-goût dès cette vie. Le purgatoire est dans les âmes qui ne sont pas mortes à elles-mêmes; l'enfer est dans le coeur des impies; le paradis dans celui des parfaits qui sont bien unis à Notre-Seigneur.
Dans le monde, on cache le ciel et l'enfer; le ciel, parceque, si on en connaissait la beauté, on voudrait y aller à tout prix; - on laisserait bien le monde tranquille! - l'enfer, parce que, si on en connaissait les tourments, on voudrait les éviter coûte que coûte.
Il y en a qui perdent la foi et ne voient l'enfer qu'en y entrant.
Si un damné pouvait dire une seule fois: "Mon Dieu, je vous aime!" il n'y aurait plus d'enfer pour lui... Mais, hélas! cette pauvre âme, elle a perdu le pouvoir d'aimer qu'elle avait reçu et dont elle n'a pas su se servir. Son coeur est disséché comme la grappe quand elle a passé sous le pressoir. Plus de bonheur dans cette âme, plus de paix parce qu'il n'y a plus d'amour!
L'enfer prend sa source dans la bonté de Dieu. Les damnés diront: "Oh! si du moins Dieu ne nous avait pas tant aimés nous souffririons moins; l'enfer serait supportable!... Mais avoir tant été aimés! quelle douleur!..."
Si les pauvres damnés avaient le temps que nous perdons, quel bon usage ils en feraient! S'ils avaient seulement une demi-heure, cette demi-heure dépeuplerait l'enfer. Si l'on disait aux damnés qui sont en enfer depuis si longtemps: "Nous allons mettre un prêtre à la porte de l'enfer. Tous ceux qui voudront se confesser n'auront qu'à sortir", croyez-vous qu'il en restât un seul? Oh! comme l'enfer serait vite désert et comme le ciel se remplirait? Eh bien, nous avons le temps et les moyens que ces pauvres damnés n'ont pas.
Pourquoi les hommes s'exposent-ils à être maudits de Dieu?... Pour un blasphème, pour une mauvaise pensée, pour deux minutes de plaisir, perdre Dieu, son âme, le ciel pour toujours!...
Si vous voyiez un homme dresser un grand bûcher, entasser des fagots les uns sur les autres, et que, lui demandant ce qu'il fait, il vous répondît: "Je prépare le feu qui doit me brûler", que penseriez-vous? Et si vous voyiez ce même homme approcher la flamme du bûcher, et, quand il est allumé, se précipiter dedans, que diriez-vous?... En commettant le péché, c'est ainsi que nous faisons.
Ce n'est pas Dieu qui nous jette en enfer, c'est nous qui nous y jetons par nos péchés. Le damné dira: "J'ai perdu Dieu, mon âme et le ciel: c'est par ma faute, par ma faute, par ma très grande faute!..." Il s'élèvera du brasier pour y retomber... Il sentira toujours le besoin de s'élever, parce qu'il était créé pour Dieu, le plus grand, le plus haut des êtres, le TRÈS-HAUT... Comme un oiseau, dans un appartement, vole jusqu'au plancher et retombe... La justice de Dieu est le plancher qui arrête les damnés.
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