mardi 21 août 2007

Petites fleurs d'Ars - 13 - Pensées de Saint J.-M.-B. Vianney

Le Saint Curé d'ArsIl y en a, en ce monde, qui espèrent trop, et d'autres qui n'espèrent pas assez.
Nous voulons aller au ciel, mais avec toutes nos aises, sans nous gêner en rien; ce n'est pas comme cela qu'on fait les saints.
Que diriez-vous d'un homme qui travaillerait le champ du voisin et laisserait le sien sans culture! Voilà pourtant ce que vous faites. Vous fouillez continuellement dans la conscience des autres et vous laissez la vôtre en friche. Oh! quand la mort arrivera, quel regret nous aurons d'avoir tant songé aux autres et si peu à nous! car c'est de nous et non des autres qu'il faudra rendre compte... Nous avons toujours deux secrétaires: le démon qui écrit nos mauvaises actions pour nous accuser, et notre bon ange qui écrit les bonnes pour nous justifier au jour du jugement.
Le démon nous amuse jusqu'au dernier moment, comme on amuse un pauvre homme en attendant que les gendarmes viennent le prendre. Quand les gendarmes arrivent, il crie, il se débat; mais on ne le lâche pas pour autant.
Quand toutes nos actions nous seront présentées, qu'il y en aura peu d'agréables à Dieu, même parmi les meilleures! Tant d'imperfections, tant de pensées d'amour-propre, de satisfactions humaines, de retours égoïstes qui s'y trouvent mêlés! Elles ont bonne apparence, mais elles n'ont que l'apparance; comme ces fruits qui semblent plus jeunes et plus mûrs, parce qu'un ver les a piqués.
Que diriez-vous d'un père qui traiterait de la même manière un enfant sage et un enfant sot? Vous diriez: "Ce père n'est pas juste." Eh bien, Dieu ne serait pas juste s'il ne faisait point de différence entre ceux qui le servent et ceux qui l'offensent.
La terre est un pont pour passer d'un bord de l'éternité à l'autre; elle ne sert qu'à soutenir nos pieds...
En mourant, nous faisons une restitution. Nous rendons à la terre ce qu'elle nous a donné... Une petite pincée de poussière, voilà ce que nous deviendrons. Il y a bien de quoi être fier!
Nous ressemblons à ces petits tas de sable que le vent ramasse sur le chemin, qui tournent un petit moment et se défont tout de suite après... Nos frères et nos soeurs qui sont morts sont réduits à cette poignée de cendre.
Pour notre corps, la mort n'est qu'une lessive.
Il faut travailler en ce monde, il faut combattre. On aura bien le temps de se reposer toute l'éternité.
Si nous comprenions bien notre bonheur, nous pourrions presque dire que nous sommes plus heureux que les saints dans le ciel. Ils vivent de leurs rentes; ils ne peuvent plus rien gagner; tandis que nous, nous pouvons à chaque instant augmenter notre trésor.
Que diriez-vous d'une personne qui entasserait dans la maison des provisions qu'elle serait obligée de jeter, parce qu'elle se gâteraient, et qui laisserait des pierres précieuses, de l'or, des diamants qu'elle pourrait conserver et qui feraient sa fortune? Nous faisons pourtant ainsi; nous nous attachons à la matière, à ce qui doit finir, et nous ne pensons pas à acquérir le ciel, le seul véritable trésor.
Allez de monde en monde, de royaume en royaume, de richesse en richesse, de plaisir en plaisir, vous ne trouverez pas votre bonheur. La terre entière ne peut pas plus contenter une âme immortelle qu'une pincée de farine dans la bouche d'un affamé ne peut le rassasier.
Quel bonheur pour les justes quand, à la fin du monde, l'âme embaumée des parfums du ciel viendra chercher son corps pour jouir de Dieu pendant toute l'éternité! Alors nos corps sortiront de la terre comme le linge qui a passé par la lessive... Les corps des justes brilleront au ciel comme de beaux diamants, comme des globes d'amour.
Quel cri de joie quand l'âme viendra s'unir à son corps glorifié qui ne sera plus pour elle un instrument de péché ni une cause de souffrance. Elle se roulera dans le baume de l'amour, comme l'abeille se roule dans les fleurs. Voilà l'âme embaumée pour l'éternité.

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